Langues vivantes: encore un effort... avec nous
L’école, au sens très large du terme, c’est-à-dire du Primaire à l’Université, est en crise.
Certains parlent même de ruine scolaire... et pour le moins, il faut admettre que les interrogations se multiplient sur les savoirs qu’il convient d’enseigner, sur l’organisation qu’il faudrait adopter, sur les valeurs que l’école doit porter, sur les méthodes qu’elle doit appliquer.
L’apprentissage des langues vivantes cristallise à lui seul, et depuis toujours, aurions-nous envie d’ajouter, un certain nombre de critiques récurrentes qui font de la France le pays le plus mal noté d’Europe dans cette discipline.
Ainsi n’est-il pas inutile de rappeler les derniers propos tenus sur ce sujet, le 22 janvier dernier, par notre Ministre de l'Éducation Nationale :
"dans une époque marquée par la mondialisation, la connaissance des langues vivantes s’impose non seulement en termes d’insertion professionnelle et de compétences nécessaires pour aborder le monde d’aujourd’hui mais aussi pour s’inscrire dans une vision d’ensemble qui transcende les frontières géographiques et nationales."
Il suffit de relire mes éditoriaux rédigés dès 1978 : ils disaient sensiblement la même chose, et c’est peut-être ce qui explique la longévité de notre collection de livres parascolaires.
Dans un contexte d’évolutions techniques rapides, d’interrogations pédagogiques pressantes et de financements contraints, la réflexion sur les meilleurs outils pour l’apprentissage des langues vivantes revêt un caractère d’urgence.
Mais elle s’inscrit nécessairement dans le temps long de l’école : celui de la maturation de l’élève, de la consolidation des apprentissages, de la succession des générations d’enseignants, de l’évolution des champs disciplinaires, du temps d’évaluation des expérimentations, et du rythme de transformation propre à une organisation aussi vaste que l’éducation nationale.
Depuis 1978, nous avons fait le pari du livre parascolaire, clair, simple, pratique et il semble évident aujourd’hui que c’est devenu un objet paradoxal : critiqué, mais réclamé avec insistance à chaque rentrée, et à chaque changement de programme. C’est un outil pédagogique, mais également un objet symbolique, d’aucuns diront un objet transitionnel à la fonction rassurante.
Et si internet privilégie l'immédiateté et la masse d'informations, la lecture y est cependant plus segmentée, fragmentée et discontinue. Le numérique, "hypertexte" et multimédia, induit une "hyper-attention" que des psychologues américains opposent à la deep attention (l'attention profonde) que nécessite la lecture linéaire sur papier.
Ainsi, le risque que la lecture classique devienne insupportable, y compris physiquement, se profile.
Nous assisterions alors à la "liquidation de la faculté cognitive", remplacée par l'habileté informationnelle.
Mais est-il vraiment certain, par exemple, que le numérique introduit de l’interactivité dans un objet et une pratique qui en était jusqu’ici totalement dépourvu ?
Eh bien justement non. Rien n’est décidément plus interactif que la lecture de nos livres : la qualité de notre mise en page et notre concept original (mal copié depuis) de hiérarchies visuelles, la symbolique des couleurs, la qualité pédagogique des leçons... tout a été pensé pour favoriser une assimilation et une mémorisation optimale.
On ne peut nier cependant que les TIC recèlent un potentiel attractif très fort qui pourrait être mis à profit dans le milieu scolaire afin d’augmenter la motivation des élèves et des étudiants, d’autant plus quand des activités internautes pertinentes sont judicieusement mises à profit dans un cours de langue.
Mais si l’on considère que les écrans de nos ordinateurs sont des écrans d’écrit alors nous pouvons dire que la cohabitation avec nos livres est naturelle voire souhaitable car complémentaire. Ils sont et resteront encore longtemps, le trait d’union idéal entre le maître, l’élève et les parents.
Et la promesse d’un espace silencieux vital pour approfondir les connaissances.
Francesco Martorana
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